Action Féministe |
Introduction
L’ensemble
des rapports, études et enquêtes qui traitent la réalité de la femme dans la
province d’Azilal évoque une situation très dégradée sur tous les niveaux de
vie. Cette situation alarmante se traduit dans une multitude de statistiques,
bien que rares, elles dévoilent cette réalité caractérisée par les profondes
inégalités entre les femmes et les hommes d’un côté, et entre les femmes
rurales et les citadines.
Si cette
situation semble être partagée entre toutes les femmes du Maroc, elle est
encore pire pour celles de la province d’Azilal, vu l’insuffisance des
infrastructures, le faible accès aux services sociaux fondamentaux, l’absence
d’activités économiques qui assurent l’amélioration des conditions
socioéconomiques de la population locale, et l’absence d’une volonté politique
qui intègre les dimensions culturelles et linguistiques amazigh de la
population locale dans la vie publique.
L’état
des lieux des associations féminines d’Azilal :
L’action
féminine ne s’est manifestée au niveau de la province qu’au début de ce siècle,
dans le cadre de l’apogée qu’a connu le tissu associatif. Les associations
féminines d’Azilal sont fruits de l’importance accordée dernièrement aux droits
des femmes, surtout avec le débat national déclenché par « le plan
national pour l’intégration de la femme dans le développement ». Et
malgré le contexte tendu dans lequel s’était déroulé ce débat, marqué par une
grande polémique fondée sur des doctrines idéologiques statiques, les droits de
la femme se sont devenus enracinés dans les débats publics ouverts sur toutes
les couches sociales.
De ce
fait, des initiatives de création
d’associations féminines ont été déclenchées et par des femmes comme par
des hommes acteurs dans l’associatif surtout. C’est ainsi, on a assisté à la
naissance de certaines associations actives jusqu’à maintenant, mais dont le
nombre reste sous la barre des attentes, et ne dépasse guère 10 structures.
Celles-ci travaillent toutes dans le développement (Alphabétisation,
préscolaire, formation professionnelle, activités génératrices de revenus et
d’emplois).
La
contribution de ces associations dans l’amélioration de certains indicateurs de
développement est évidente et palpable, personne ne peut la nier. Et aussi leur
plus grande valeur ajoutée, en complémentarité avec d’autres associations de
développement, est le fait d’avoir participer activement dans la montée d’une
élite de femmes de proximité actives dans leurs environnements, chose qui s’est
traduit dans les résultats des élections communales de 2009, et qui a permis à
plusieurs militantes associatives d’accéder aux conseils communaux comme élues
pour la première fois de leurs vies.
Cependant,
l’influence des associations féminines de la province d’Azilal reste très
réduit, et n’a pas beaucoup changé l’état initial des femmes, et ce à cause de
leur concentration totale sur des microprojets basés sur la prestation de
services et des activités de bienfaisance. Alors que leur participation aux
dynamiques nationales et régionales de plaidoyer pour la promotion des droits
de la femme reste très limitée. Les interventions de certaines associations
féminines régionales et nationales, restent aussi sans grande impact,
puisqu’elles ne dépassent non plus des actions de sensibilisation ou de
formation. Or, l’action associative féminine n’arrive encore pas à répondre aux
besoins et droits des femmes de la province.
Ce
manque d’influence et d’efficacité peut
être dû aux causes ci-dessous :
1-
Absence de planification stratégique basée sur une
ample connaissance du contexte du travail
2-
Capacités de gestion très faibles
3-
Incapacité de mobilisation et de gestion des
ressources humaines
4-
L’incompréhension des différences entre le travail
associatif, et le travail coopératif
5-
Absence de mécanismes garantissant la démocratie interne,
et l’absence du principe d’alternance dans les responsabilités.
6-
L’incapacité de mobiliser des partenariats autres que
celles avec l’entraide nationale (équipement et gestion des centres de
formation et préscolaire), l’INDH (AGR) et délégation du ministère de
l’éducation (Alphabétisation)
7-
Participation passive dans les réseaux associatifs au
niveau de la province comme au niveau régional ;
8-
Faible coordination et communication et entre les
associations féminines d’une part, et avec les femmes en général, et avec les
différents acteurs sociaux de la province.
9-
Faible maitrise des concepts de l’approche Genre,
l’inutilisation de ses outils, et l’absence totale de l’approche Droit dans
leurs plans et projets,
10-
La dépendance aux
structures locales des partis politiques.
La
promotion des droits civiques, politiques, culturels, économiques et sociaux,
ne semble pas être prioritaire dans les programmes des associations féminines
de la province d’Azilal. Ceci est peut-être à la nouveauté même de cette
dynamique, ainsi qu’aux tendances et capacités de ses membres. L’absence est
presque quasi-totale de ces associations dans les dynamiques sociales
nationales qui luttent pour l’instauration et l’émergence de l’égalité et la
parité, et qui font face à toutes les
formes de discrimination et de violence à l’encontre des femmes.
Les
défis
Les
associations féminines locales, ainsi
que tout le tissu associatif de la province, sont de plus en plus sollicité
pour :
1-
Contribuer à l’élargissement et la qualification des
élites féministes pour relever le défi de parité, sinon on assistera à une
parité de vitrine où les femmes ne représentent que le décore.
2-
Renforcer les rôles de plaidoyer des associations
féminines pour lutter contre toute violence basée sur le genre (violence
conjugale, mariage précaire, analphabétisme des filles, harcèlement et violence
sexuelle, le non accès à la propriété y compris le droit dans les terres
communautaires …).
3-
Elaboration de plateformes et mémorandums pour la mise
en place des articles de la constitution.
4-
Renforcer les capacités de proposition chez les
militantes associatives pour les préparer à jouer leurs rôles dans
l’élaboration, le suivi et l’évaluation des programmes de développement, et pour qu’elles soient les garants de la gendérisation
de tous les programmes, projets et budgets locaux.
5-
Garantir une représentativité
effective des militantes associatives de la province dans les instances de
gouvernance soit au niveau local, ou régional ou national.
Perspectives
Pour
surmonter ces défis, et pour améliorer la situation des femmes de la province d’Azilal,
trois objectifs stratégiques doivent être concrétisés pour contribuer à la
constitution et l’émergence d’une action féministe réelle et efficace :
1-
Elargissement et renforcement du mouvement associatif féministe ;
2-
Renforcement des rôles des associations féministes
locales ;
3-
Instaurer le réseautage et la coordination entre les
diverses associations féministes.
Pour aboutir à la réalisation de ces objectifs, il est donc
indispensable de lancer le débat sur le plan provincial autour des rôles des
associations féministes locales, afin qu’elles prennent place dans le débat
national, et mettre terme à la situation de marginalisation systémique dont
souffrait toute la population locale, et qui risque de devenir un destin, ou
plutôt un isolement voulu ou même une introversion.
L’adhésion de l’action associative féministe
dans les dynamiques nationales de promotion des droits de la femme est sans
doute primordiale, mais aussi, toutes les associations modernistes et
démocrates de la province et de la région et nationales sont invitées à remplir
leur devoir d’accompagner et soutenir ces associations.
Mohamed ABAKHAN dit Sisyphe
Nozilal
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