samedi 1 février 2014

Les associations féminines Azilal : L’état des lieux, les défis et perspectives

Action  Féministe
Introduction
L’ensemble des rapports, études et enquêtes qui traitent la réalité de la femme dans la province d’Azilal évoque une situation très dégradée sur tous les niveaux de vie. Cette situation alarmante se traduit dans une multitude  de statistiques, bien que rares, elles dévoilent cette réalité caractérisée par les profondes inégalités entre les femmes et les hommes d’un côté, et entre les femmes rurales et les citadines.

Si cette situation semble être partagée entre toutes les femmes du Maroc, elle est encore pire pour celles de la province d’Azilal, vu l’insuffisance des infrastructures, le faible accès aux services sociaux fondamentaux, l’absence d’activités économiques qui assurent l’amélioration des conditions socioéconomiques de la population locale, et l’absence d’une volonté politique qui intègre les dimensions culturelles et linguistiques amazigh de la population locale dans la vie publique.
L’état des lieux des associations féminines d’Azilal :
L’action féminine ne s’est manifestée au niveau de la province qu’au début de ce siècle, dans le cadre de l’apogée qu’a connu le tissu associatif. Les associations féminines d’Azilal sont fruits de l’importance accordée dernièrement aux droits des femmes, surtout avec le débat national déclenché par « le plan national pour l’intégration de la femme dans le développement ». Et malgré le contexte tendu dans lequel s’était déroulé ce débat, marqué par une grande polémique fondée sur des doctrines idéologiques statiques, les droits de la femme se sont devenus enracinés dans les débats publics ouverts sur toutes les couches sociales.
De ce fait, des initiatives de création  d’associations féminines ont été déclenchées et par des femmes comme par des hommes acteurs dans l’associatif surtout. C’est ainsi, on a assisté à la naissance de certaines associations actives jusqu’à maintenant, mais dont le nombre reste sous la barre des attentes, et ne dépasse guère 10 structures. Celles-ci travaillent toutes dans le développement (Alphabétisation, préscolaire, formation professionnelle, activités génératrices de revenus et d’emplois).
La contribution de ces associations dans l’amélioration de certains indicateurs de développement est évidente et palpable, personne ne peut la nier. Et aussi leur plus grande valeur ajoutée, en complémentarité avec d’autres associations de développement, est le fait d’avoir participer activement dans la montée d’une élite de femmes de proximité actives dans leurs environnements, chose qui s’est traduit dans les résultats des élections communales de 2009, et qui a permis à plusieurs militantes associatives d’accéder aux conseils communaux comme élues pour la première fois de leurs vies.
Cependant, l’influence des associations féminines de la province d’Azilal reste très réduit, et n’a pas beaucoup changé l’état initial des femmes, et ce à cause de leur concentration totale sur des microprojets basés sur la prestation de services et des activités de bienfaisance. Alors que leur participation aux dynamiques nationales et régionales de plaidoyer pour la promotion des droits de la femme reste très limitée. Les interventions de certaines associations féminines régionales et nationales, restent aussi sans grande impact, puisqu’elles ne dépassent non plus des actions de sensibilisation ou de formation. Or, l’action associative féminine n’arrive encore pas à répondre aux besoins et droits des femmes de la province.
Ce manque d’influence et d’efficacité  peut être dû aux causes ci-dessous :
1-    Absence de planification stratégique basée sur une ample connaissance du contexte du travail
2-    Capacités de gestion très faibles
3-    Incapacité de mobilisation et de gestion des ressources humaines
4-    L’incompréhension des différences entre le travail associatif, et le travail coopératif
5-    Absence de mécanismes garantissant la démocratie interne, et l’absence du principe d’alternance dans les responsabilités.
6-    L’incapacité de mobiliser des partenariats autres que celles avec l’entraide nationale (équipement et gestion des centres de formation et préscolaire), l’INDH (AGR) et délégation du ministère de l’éducation (Alphabétisation)
7-    Participation passive dans les réseaux associatifs au niveau de la province comme au niveau régional ;
8-    Faible coordination et communication et entre les associations féminines d’une part, et avec les femmes en général, et avec les différents acteurs sociaux de la province.
9-    Faible maitrise des concepts de l’approche Genre, l’inutilisation de ses outils, et l’absence totale de l’approche Droit dans leurs plans et projets,
10-             La dépendance aux  structures locales des partis politiques.

La promotion des droits civiques, politiques, culturels, économiques et sociaux, ne semble pas être prioritaire dans les programmes des associations féminines de la province d’Azilal. Ceci est peut-être à la nouveauté même de cette dynamique, ainsi qu’aux tendances et capacités de ses membres. L’absence est presque quasi-totale de ces associations dans les dynamiques sociales nationales qui luttent pour l’instauration et l’émergence de l’égalité et la parité,  et qui font face à toutes les formes de discrimination et de violence à l’encontre des femmes. 
Les défis
Les associations féminines  locales, ainsi que tout le tissu associatif de la province, sont de plus en plus sollicité pour :
1-           Contribuer à l’élargissement et la qualification des élites féministes pour relever le défi de parité, sinon on assistera à une parité de vitrine où les femmes ne représentent que le décore.
2-           Renforcer les rôles de plaidoyer des associations féminines pour lutter contre toute violence basée sur le genre (violence conjugale, mariage précaire, analphabétisme des filles, harcèlement et violence sexuelle, le non accès à la propriété y compris le droit dans les terres communautaires …).
3-           Elaboration de plateformes et mémorandums pour la mise en place des articles de la constitution.
4-           Renforcer les capacités de proposition chez les militantes associatives pour les préparer à jouer leurs rôles dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des programmes de développement,  et pour qu’elles soient les garants de la gendérisation de tous les programmes, projets et budgets locaux.
5-            Garantir une représentativité effective des militantes associatives de la province dans les instances de gouvernance soit au niveau local, ou régional ou national.




Perspectives
Pour surmonter ces défis, et pour améliorer la situation des femmes de la province d’Azilal, trois objectifs stratégiques doivent être concrétisés pour contribuer à la constitution et l’émergence d’une action féministe réelle et efficace :
1-       Elargissement et renforcement  du mouvement associatif féministe ;
2-       Renforcement des rôles des associations féministes locales ;
3-       Instaurer le réseautage et la coordination entre les diverses associations féministes.
 Pour aboutir à la réalisation de ces objectifs, il est donc indispensable de lancer le débat sur le plan provincial autour des rôles des associations féministes locales, afin qu’elles prennent place dans le débat national, et mettre terme à la situation de marginalisation systémique dont souffrait toute la population locale, et qui risque de devenir un destin, ou plutôt un isolement voulu ou même une introversion.
 L’adhésion de l’action associative féministe dans les dynamiques nationales de promotion des droits de la femme est sans doute primordiale, mais aussi, toutes les associations modernistes et démocrates de la province et de la région et nationales sont invitées à remplir leur devoir d’accompagner et soutenir ces associations.


Mohamed ABAKHAN dit Sisyphe Nozilal

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